Comment fille et mère sont-elle devenues mère et fille ? Etre la mère de sa mère, et la fille de sa fille, témoigne d’une inversion des rôles qui s’est imposée dans un pays où l’abandon du parent demeure impensable, la Bulgarie.
Miss Parkinson, 92 ans, née à Stara Zagora est bien devenue la fille de sa fille au regard de la vulnérabilité d’un corps qui ne demande qu’un appel à l’autre. Cet autre précieux n’est autre que sa propre fille, qui est devenue à sa tour mère enveloppante progiguant les derniers soins, depuis plus de dis-sept ans. Manitchkatatia, dit-elle à sa mère, en lui caressant le visage. Cette expression de tendresse, signe d’un amour maternel, se cache bien derrière un sentiment de loyauté. S’occuper de sa mère comme d’un enfant, passe par une présence inconditionnelle sollicitant les derniers possibles. Ainsi, tracer, penser, calculer se situent au-delà des soins corporels, indispensables à la survie d’un enfant.
Ce lien indéfectible, qui pourrait tendre vers le ravage, persiste et ne cesse d’exister coûte que coûte. L’épuisement au détriment de l’abandon. Aucun répit lorsqu’on est devenu la mère de sa mère. L’une et l’autre se nourrissent et se soutiennent dans l’existence. La rupture et l’absence n’ont pas de place. Etre là est devenu la seule condition d’une relation où mère et fille s’effacent derrière une unité. Il n’y a peut-être plus ni de mère ni de fille.
En attendant, Miss Parkinson continue bien de livrer ses derniers éclats de vie.

Géraldine Casinos
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