Il fait soif dans la salle de sport de Stara Zagora. Située dans une zone industrielle de la ville, cette salle se transforme en ring de MMA (Mixed Art Martial ou Free Fight) le soir après 20h.
Les gars qui s’entraînent au club Nedjo Ranchev suent des litres d’eau pour se préparer aux combats. Ils sont coachés “à la dure” par Emil Stefanov, entraîneur et arbitre de sambo (le sambo est un art martial et un sport de combat créé en URSS dans les années 1930), de judo et de Free Fight.  Parce que pour combattre en compétition, il faut être en parfaite condition physique. La perte de poids est ce qu’il y a de plus pénible pour les Free Fighteurs. Ils sont donc contraints de ne pas boire pendant les entrainements pour éliminer la moindre goutte d’eau.
À Plovdiv, dans une ancienne salle de lutte gréco-romaine, les Free Fighteurs sont presque tous des anciens lutteurs. La lutte, ancêtre du Free Fight, est un passage obligé pour les compétiteurs. Elle allie la phase de combat debout, la lutte au sol et le “grappling” (l’immobilisation). Avant de passer des grades et d’accéder aux ”shows” sur les rings ou dans les cages octogonales, les sportifs doivent maîtriser au moins deux arts martiaux. Seuls les athlètes de très haut niveau ont une chance de s’en sortir vivants.

Le Free Fight, encore interdit en France, connaît un boom à l’échelle de la planète, notamment en Bulgarie.  Les salles de sport de l’ère soviétique se métamorphosent en fabriques à Free Fighteurs. Sport réputé dangereux et inspiré de tous les arts martiaux, de la boxe en passant par le jiu-jitsiu brésilien, le MMA est souvent pratiqué pour la forte dose d’adrénaline qu’il procure.  Pourtant, la plupart des sportifs que Vladimir Vasilev a rencontré ne cherchent pas la violence à tout prix. Aucun d’entre eux n’a vraiment “la haine”. C’est pour combattre la morosité ambiante du pays qu’ils cognent et s’infligent une telle discipline physique. Et loin d’être des brutes, ils voient le MMA comme un moyen d’oublier leurs soucis, ou comme une philosophie de vie.
Derrière les poings, il y a des hommes mariés, des pères. Stanimir Petrov, l’un des deux pratiquants de MMA à Stara Zagora, s’entraîne matin et soir, tous les jours de la semaine, au club et dans sa chambre, dès qu’il peut. À côté de ça, il s’occupe de sa famille, travaille dans un magasin de meubles d’occasion et fait des extras comme vigile dans un casino. Sa situation ressemble à celle de beaucoup d’autres en Bulgarie. Les Free Fighteurs ne vivent pas de leur sport, ils vivent pour l’amour du sport. Ils sont bien souvent agents de sécurité, vigiles ou étudiants, en dehors des heures d’entraînement.
Un combat, ne rapporte pas beaucoup. Un vainqueur peut toucher entre 1000 et 5000 euros selon l’importance du gala ou du show. Les clubs demandent des participations symboliques. Et les entraineurs ne sont pas motivés principalement par l’argent. Les vieilles bâtisses de l’ex-URSS se recyclent en salles de sport pendant qu’autour des rings les carrés VIP fleurissent. Le Free Fight n’enrichit pas ses stars dans le pays.

Affûtés comme des couteaux, les champions de MMA bulgares contrastent bien souvent avec l’image répandue du Free Fight. Il y a en effet un paradoxe criant entre ces “forces tranquilles” poussées par les difficultés techniques et les stratégies de combat inhérentes à la discipline, et les spectateurs agressifs et sauvages, accrochés aux cages, assoiffés par le sang et les KO.

Margot Valeur pour Équipe Magasine
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